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Jeunesse

Vie citoyenne

Centre Loisirs Jeunesse : ne rien lâcher et gagner la paix

Fondé en 1990, le Centre de Loisirs Jeunesse de la Police Nationale aura marqué durablement plusieurs générations. Tant parmi les animateurs policiers que les enfants et familles qui l’ont fréquenté. Durant les événements de 2005, il ne connaîtra aucune dégradation, « protégé » par les habitants. Aventure humaine, parcours de vie, au point que certains de ces gamins des Bosquets embrasseront la même carrière que ceux qui les ont accompagnés.

Article publié le 20 mars 2023


Arrivé au CLJ à ses débuts en 1994, le Major Pierre Wadoux (au centre avec la raquette de ping pong sur la photo illustrant l’article – au centre ci-dessous devant le babyfoot) lui a dédié sa carrière. Il y aura vécu toutes les mutations du territoire, animé, impliqué – comme ses collègues – dans cette « mission » de prévention et de proximité. Il dirige aujourd’hui ce Centre de loisirs pas comme les autres pour le moins exemplaire (ce, à l’échelle nationale), conscient de l’immense chemin parcouru, de sa grande richesse mais aussi de sa fragilité. Témoignage.

Être là, présents, même dans les halls…

« Je suis originaire de Chelles et à ma sortie de l’école de Police j’ai commencé à travailler au commissariat de Gagny. Dès le départ je faisais de l’îlotage, un travail de prévention et j’avais un profil sportif. Très vite des collègues m’ont parlé de cette structure naissante au sein de la résidence des Bosquets.

Je me souviens de mon premier jour en avril 1994. J’avais 23 ans. Le même âge que nombre de ces jeunes des cités que je croisais. C’était les congés scolaires, jour de renouvellement des inscriptions et il y avait un monde fou. Des enfants partout ! J’étais impressionné, attiré, un peu inquiet aussi…

À l’époque et à l’inverse d’aujourd’hui, ces enfants n’avaient accès à rien. À part cette structure, il n’y avait rien pour s’occuper, juste des tours et des terrains vagues. Nous n’avions pas grandchose non plus. Tout était à faire, à inventer et on se serrait les coudes. C’était le règne du système D. »

Des débuts difficiles…

Le premier local de 1990 à 1997 était installé dans un appartement au RdC de l’une des tours de la rue Utrillo, totalement dégradée. Les débuts ont été assez compliqués. Chaque matin nous nous demandions quelle serait la surprise du jour… Certains cherchaient à nous provoquer, à nous faire partir : tags anti-Police à l’entrée de l’immeuble, sur le palier et notre porte, nos serrures régulièrement obstruées. La pression était constante. Il fallait avoir les nerfs solides pour travailler dans ces conditions. C’est là que nous avons dû faire nos preuves et que nous sommes « entrés » dans la vie des gens. Au début, nous avons reçu l’aide précieuse de l’association ARIFA (Femmes Relais), spécialisée dans la médiation sociale, toujours présente à Clichy-sous-Bois. Pour dire vrai, la plupart des habitants étaient heureux que nous soyons là pour sortir les jeunes de l’oisiveté et leur transmettre quelques valeurs au passage… Le rapport Police / population a commencé à changer. Nous nous sommes donc servis des terrains vagues pour y organiser des circuits de mini-motos et faire de la prévention routière par la même occasion…

Une bouffée d’oxygène…

L’entrée dans les nouveaux locaux, rue Corot, en 1997 a été une bouffée d’oxygène pour toute l’équipe. Nous avons pu mettre en place de nouveaux ateliers, des jeux collectifs et de l’accompagnement scolaire. Là, on accède à une autre dimension. On accompagne les enfants sur tout un parcours et cela devient très riche. On transmet et l’on reçoit. Des parcours de vie se dessinent. On voit les enfants grandir et l’on comprend qu’on a laissé une trace, que des rencontres faites au CLJ, des moments vécus ici les ont profondément marqués. Certains vous en reparlent des années plus tard.

Il y a eu des échecs bien sûr mais aussi beaucoup de succès. La plus grande fierté c’est d’en voir certains, devenus adultes, embrasser ce métier et rejoindre à leur tour notre structure comme encadrants. C’est le cas de Kader par exemple que j’ai connu enfant et qui nous a rejoints au printemps dernier. C’est quelque chose qui ne peut advenir qu’avec le temps, après un travail sur le long terme. Là c’est une grande récompense, on a construit quelque chose.

 » Le CLJ, vous n’y touchez pas… « 

Clichy-sous-Bois, octobre 2005En 2005, lorsque tout brûlait, le CLJ a été épargné. Protégé par des collègues bien sûr mais aussi par les familles, par les adultes. Le mot circulait : « Le CLJ vous n’y touchez pas ! ».

D’ailleurs, après les émeutes les inscriptions au Centre ont bondi. Malgré le contexte, le CLJ restait un repère, un endroit rassurant. Beaucoup de choses ont changé depuis. Beaucoup d’investissements ont été faits, matériels et humains, et les gens ont retrouvé une dignité. Comprenez que certains avaient honte de vivre ici. Ils n’osaient même pas inviter leur famille à les visiter.

Donc, il ne faut jamais lâcher. Le temps passe vite et la « paix » est une notion fragile. Il faut dire aux jeunes que l’on a besoin d’eux et qu’ils peuvent compter sur nous. Que nous pouvons leur donner des outils pour avancer dans la vie. Nous n’aurons été qu’une étape dans leur parcours, mais nous aurons été là ! »

 

Kader Hamra : « Pour moi qui ai grandi aux Bosquets le CLJ ça compte, c’est la famille ! »

« Quand j’ai commencé à y aller en 92, 93, il y avait beaucoup d’attentats en Algérie. Impossible d’y retourner l’été en famille. Alors, on allait au CLJ. Gamins on avait que ça et ça nous a tous marqués, personne n’a oublié. Je ne me serais pas forcément tourné vers l’école de Police sans eux. Nous n’avions pas d’appréhension, nous découvrions qu’il y a des femmes et des hommes sous l’uniforme. La grande nouveauté par rapport à mon époque c’est une mixité de plus en plus grande, tant de genres que sociale. De plus en plus de jeunes filles viennent au Centre ainsi que des jeunes issus des quartiers pavillonnaires de la Ville. Ce n’est plus seulement Les Bosquets… ».

Christelle Poirson : « Ce que nous faisons ici est très précieux mais inquantifiable »

« J’ai travaillé 10 ans à la brigade des mineurs avant de venir au CLJ. J’ai vu des choses terribles. Des jeunes gens bien « foutre leur vie en l’air » stupidement. J’ai voulu faire de la prévention, agir en amont avant que cela n’arrive. Nous amenons nos projets et abordons avec eux des sujets importants. On « plante une graine » indéniablement et cela finit par pousser. C’est très précieux mais inquantifiable ».